LE RECUL DU CHATAIGNIER
Le recul du châtaignier en Suisse-Occidentale n’est pas récent. Au tournant du siècle passé les témoignages de divers inspecteurs forestiers cantonaux concordaient pour le constater. A Genève, W. Borel (Rapport sur les bois du Canton, 1899) avançait l’hypothèse climatique comme explication partielle de ce recul, alors que, plus alarmiste, M. Decoppet (Le châtaignier et sa dispersion dans la vallée du Rhône, 1901) prédisait sa disparition de la Vallée du Rhône. L’essor des maladies de l’encre (Phytophthora cinnamoni et P. cambivora) et, plus récemment, du chancre (Cryphonectria parasitica) n’est pas non plus étranger à ce phénomène.
Ces dernières années, l’apparition du Cynips du châtaignier (Dryocosmus kuriphilus) à partir du foyer de Maxilly (Haute-Savoie) a fait peser de nouvelles hypothèques sur le patrimoine castanéicole de la région, heureusement levées en grande partie par la venue de son parasite naturel, le Torymus sinensis.
Au cours des siècles précédents, les changements de pratiques agronomiques et alimentaires avaient déjà mis à mal la culture du châtaignier. D’un point de vue socioculturel, on peut donc faire remonter le lent déclin du châtaignier à l’introduction de la culture de la pomme de terre, puis du maïs et de leur amidon plus aisé à obtenir.
En conséquence, le vieillissement de la population des châtaigniers de cette région, mais surtout leur engloutissement dans la crue des espèces spontanées est, malgré certaines initiatives ponctuelles, très marqué et l’emprise paysagère de cette espèce en très nette régression. Avec ce recul, c’est tout un pan du paysage rural traditionnel qui est affaibli. Avec sa perte en présence de ces arbres nourriciers, ce sont aussi des ambiances et des liens à la terre qui sont menacés.
La commune de Saint-Gingolph (VS) est emblématique de cette perte d’importance. Le Châtaignier «en exploitation» n’y occupe plus que des surfaces très réduites, la plupart regagnées ces dernières années par défrichement d’anciennes selves envahies par la végétation spontanée.
Grand Châtaignier, élément central de la composition «Fenaison à St Gingolph sous un ciel orageux », Pierre-Louis De La Rive, 1792
Châtaigneraie gingolaise restaurée entre 2010 et 2015
REVITALISER LES CHÂTAIGNIERS
Le présent projet vise à infléchir cette tendance et à réhabiliter le châtaignier en tant qu’arbre de production et cela à une échelle aujourd’hui inconnue, puisqu’il s’agit de revitaliser la plus grande partie de la châtaigneraie historique de Saint-Gingolph, soit plus de 20 hectares. La particularité de ce projet ne se limite pas à son ampleur, son originalité consiste dans son orientation à tous niveaux en faveur de la promotion de la biodiversité locale :
- diversité des milieux,
- restructuration du paysage
- diversité spécifique (nombre et qualité des espèces),
- diversité intra-spécifique (variabilité génétique des espèces), en particulier de Castanea sativa.
Sur le plan castanéicole, cela signifie que le projet entend sauvegarder l’ensemble du patrimoine génétique lié à cette espèce présent dans l’ensemble du périmètre concerné. Ce faisant le projet aidera à combler une lacune importante, puisqu’il n’existe aujourd’hui aucun assortiment variétal de la région gingolaise.
La question culturelle constitue l’autre axe d’articulation du projet. Cette dimension sera abordée en marge du présent projet, notamment en coordination avec le Musée des Traditions et des Barques du Léman, par le biais de :
- la restauration des équipements liés à l’économie traditionnelle de la châtaigne,
- la mise en valeur des modes de faire anciens (ex : réhabilitation du boichonnage),
- l’information sur la culture de la châtaigne.
LES OBJECTIFS DU PROJET
REHABILITATION
La châtaigneraie est réhabilitée dans son implantation géographique et historique (sauvegarde des arbres existants et plantation de nouveaux arbres). Le projet favorise la réappropriation et réactivation des valeurs culturelles, des instruments et des savoir-faire liés à l’économie de la châtaigne.
CONSERVATION IN SITU
Le projet assure la conservation in situ du patrimoine castanéicole, comme les variétés de châtaigniers et écotypes locaux (La Brouze), les variétés de châtaigniers et écotypes régionaux du Chablais (La Ente) et variétés de châtaigniers et écotypes les plus remarquables de Suisse occidentale (collection nationale)
COMMUNICATION
La publication d’un document d’information sur le châtaignier, le balisage d’un sentier didactique, le partage des savoirs (greffage, taille), l'organisation de divers ateliers (cuisine, entretien), la participation des écoles à la plantation et l’intégration de la châtaigneraie dans les parcours de randonnées ancre le projet dans le tissu social.
Ce projet s’inscrit pleinement dans la vision d’un développement touristique doux privilégié par la commune de St Gingolph. Le sentier didactique mis en place dans le cadre du projet informera aussi sur les valeurs naturelles (biodiversité faunistique et floristique) liées à l’économie traditionnelle de la châtaigne. Des interactions seront développées avec le Musée et La Fête de la Châtaigne pour faire connaître et vivre ce milieu. La valorisation du fruit, des savoirs et savoir-faire liés seront également des atouts certains pour le rayonnement de la région qui se fera connaître comme pôle de compétence et réservoir de connaissances sur la tradition castanéicole. Le projet proposé possède une dimension paysagère considérable qui l'ancre dans la tradition helvétique du paysage. Il s’inscrit dans une vision moderne du développement local et régional, stimulé par la mise en lumière des valeurs naturelles et culturelles, comprises dans leurs évolutions historiques. Le projet s’appuie sur des volontés et énergies locales, confortées par des compétences externes apportées par des spécialistes et experts reconnus.
DUREE ET MISE EN SYNERGIE DES PROJETS
La réalisation du projet est prévue sur 9 ans, soit de 2019 à 2027. Elle sera divisée en trois étapes de trois ans chacune :
- 2019-2021 : Etape de lancement
- 2022-2024 : Etape d’approfondissement
- 2025-2027 : Etape de finalisation
Ce découpage permettra dans un premier temps de démontrer la faisabilité du projet par la mise en valeur des parcelles déjà «acquises ». Elle permettra aussi de valider les méthodes envisagées et de sceller les partenariats nécessaires au bon déroulement du projet. L’étape intermédiaire sera mise à profit pour la mise en oeuvre optimalisée des travaux de terrain, ainsi que pour le mûrissement du volet informationnel du projet.
L’étape finale verra l’implantation concrète des parcours didactiques, la publication de l’opuscule de vulgarisation prévu et la fin des travaux de revitalisation de la châtaigneraie. Bien que séquencé, le projet prévoit un avancement simultané et organique des divers objectifs poursuivis. Leur articulation permettra un travail continu, évitant autant que possible les surcharges annuelles ou saisonnières. Cependant, comme indiqué ci-dessus, leur importance relative évoluera sur la durée. Par exemple, les travaux d’inventaires de terrain, seront menés en priorité dès le lancement du projet. Ils perdront ensuite de leur importance pour être relayées par les
phases de multiplication des arbres, et enfin de plantation. La mise en place définitive des mesures de communication (parcours didactique et publication) viendra aussi en fin de projet, même s’il sera important de prévoir des animations et informations dès son lancement et pourquoi pas un panneautage provisoire et évolutif qui rende compte de l’avancement du projet.
LES ETAPES DU PROJET
Reposant sur les travaux préparatoires et d’inventaire réalisés dans le cadre du PAN03-24 (et suivants), la réalisation du projet de « Réhabilitation paysagère et écologique du
patrimoine castanéicole de St Gingolph » comprendra quatre grandes catégories de travaux, se déclinant dans les étapes de réalisation sus-mentionnées :
- Travaux de foresterie
1.1 Mise en lumière de la Châtaigneraie
1.2 Création de layons d’accès / d’entretien
1.3 Mise en valeur des bois
1.4 Accompagnement biologique - Travaux d’inventaire
2.1 Localisation et identification des spécimens intéressants
2.1 Etude variétale
2.3 Monitoring biologique - Travaux de conservation
3.1 Discussion et planification de mesures de plantation « in situ »
3.2 Prélèvement de greffons sur les arbres «souches»
3.3 Greffage et élevage en pépinière et in
situ (2 à 3 ans)
3.4 Plantation « in situ » des jeunes plants (2000+100 spécimens/accessions)
3.5 Suivi et entretien (3 ans) - Travaux de vulgarisation et valorisation du patrimoine
4.1 Mise en valeur des données récoltées pendant la phase d’inventaire et de la documentation issue des recherches historiques et des observations naturalistes.
4.2 Rédaction d’un ouvrage consacré aux particularités biologiques, culturelles, historiques et paysagères de la châtaigneraie gingolaise, mise en page, publication.
4.3 Constitution d’un chemin didactique s’intégrant dans le programme de mobilité douce communal / commune en santé.
4.4 Cours de taille / greffe
4.5 Réhabilitation de boichons in situ - Gestion du projet
5.1 Coordination avec partenaires
5.2 Planification et suivi de l’avancement du projet
5.3 Relations publiques et information
Finalisation du projet dans
Jour(s)
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